«  Merisier, j’étais
Dans mes branches
Des oiseaux chantaient,
Batifolaient, nichaient

Abattu
Mort, je me croyais

Je fus scié
Creusé, vidé
Mille fois malmené
Raboté, chauffé, reformé

Pensais
Ne plus exister

Mais voilà …
Harpe je suis
On me caresse
Je vibre
Je chante
Je …..

VIS


 »
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C’est ma petite harpe thérapeutique faite de bois de merisier qui, un jour, m’a raconté cette histoire, son histoire.

Il me semble que d’une manière ou d’une autre, cette histoire est l’histoire de nous tous.

C’est d’autant plus l’histoire des personnes confrontées à la maladie, mutilante, souvent.

C’est l’histoire aussi de tous ceux qui, bientôt, devront quitter notre monde et celle de toutes les personnes qui les accompagnent sur ce chemin difficile, éprouvant.

La grande question qui surgit en l’écoutant est : « Malgré tout, au plus profond de nous, qu’est-ce qui, Qui est-ce qui Vit ? »

La harpe thérapeutique peut faire du bien à beaucoup de niveaux différents mais l’essence pour moi se trouve ici.

Pendant les séances j’essaie, mine de rien, d’amener la personne à trouver, au moins, le parfum d’une réponse à cette grande question. Ensuite on peut se mettre à la recherche d’un chemin pour que Ce Qui Vit puisse prendre sa place, se déployer, vibrer et chanter ce chant nouveau.

Parfois on y arrive.

 

 

Quelques mots sur la harpe-thérapie en tant que pratique

En 2008 j’obtiens mon diplôme de l’International Harp Therapie Program basé à San Diego en Californie (USA). Depuis je travaille dans les services d’oncologie, de néonatologie, des services protégés pour personnes atteintes de la Maladie d’Alzheimer, des soins palliatifs et de chimio-thérapie des institutions hospitalières de la région vannetaise (56).

A l'heure actuelle, la harpe-thérapie est peu connue en France. Aux USA il n'est pas rare qu'un hôpital ait un ou plusieurs harpe-thérapeutes attitrés. Les harpe-thérapeutes interviennent dans les services les plus diverses en commençant par la maternité pour soutenir les mamans dans leur travail jusqu'aux soins palliatifs en passant par le bloc opératoire et les urgences. Partout les bienfaits sont reconnus: la harpe détend le corps et l'esprit, distrait, aide à mieux respirer, stimule la création d'endorphines, diminue les angoisses, crée une ambiance harmonieuse. Le personnel soignant en  profite autant que les patients.

La musique 'live' est plus efficace que la musique enregistrée car l'harpiste peut à chaque instant s'adapter à la situation.

Les instruments utilisés ont été spécialement conçus pour le travail à l'hôpital. Le son est rond et quelque peu 'touffu' pour éviter  trop de réverbérations dans les chambres. Réverbérations qui risqueraient par exemple de  gêner les malades sous morphine, très sensibles aux sons stridents. L'instrument est léger, portable en bandoulière et permet également un travail interactif avec le patient.

Les séance sont la plupart du temps individuelles mais si la famille est présente elle peut être inclue dans le travail avec le patient.Les séances individuelles permettent d'établir une communication profonde avec le patient.  L'idée est de lui proposer une musique individualisée, en rapport avec les besoins du moment, dans laquelle le patient peut se reconnaître et se sentir en sécurité.

 La musique est individualisée en tenant compte:

 - du répertoire préféré

- de l'état psychologique de la personne (est-ce qu'elle a besoin de s'extérioriser ou plutôt retrouver un peu de calme et de détente, se reconnecter avec elle même) qui détermine le mode de la musique.

 - de la respiration et, si moniteurs, du rythme cardiaque qui détermineront le rythme

-  du son 'personnel' qu'on peut entre autres entendre dans la voix. Cette note constituera la base de l'improvisation.

A partir de ces éléments on peut improviser tout en observant  le patient. Ce sont ses réactions émotionnelles, physiques et/ou verbales qui guident l'évolution de la musique.

 Si la personne le souhaite, la séance est clôturée par un échange verbal.

 La musique de la harpe fera toujours rêver et est en général  bien reçue en tant que distraction et fera oublier le temps, l'endroit, la maladie.. Néanmoins les séances individuelles s'adressent en particulier à des personnes angoissées, stressées, agitées, déprimées, désorientées et  des personnes en fin de vie.

 

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Un jour, Mme M m’écrit après une séance : « les notes pénétraient dans mon corps comme un doux effleurement très délicat, répandant en moi une joie grandissante, mon corps devenait de plus en plus léger, comme flottant sur l’eau, et ces notes allaient se loger, résonnaient là où était ma douleur, dans ma hanche gauche, touchée par un cancer des os. C’était comme si ces notes libéraient chaque petite parcelle de cette douleur constante. Et, plus la musique se faisait légère, plus elle descendait doucement et profondément en libérant peu à peu cette douleur …. Mon corps et mon esprit se fondaient dans cette musique … Je ressentais un profond bien-être ».


La musique agit à différents niveaux

Au niveau physique on l’a vu dans le témoignage ci-dessus mais c’est aussi valable pour les tous petits en néonatologie:

Une maman est étonnée de voir que, dès la première note, sa fille ferme les yeux et s’endort. C’est le moment de poser une sonde gastrique dans sa toute petite narine. Un moment douloureux pour bébé et stressant pour l’entourage. Mais là, la sonde glisse toute seule, le corps de la petite reste détendu, il n’y a pas un cri, elle ne se réveille même pas… La puéricultrice : « je vais réclamer à la sécu un musicien pour chaque soin ».

Au niveau psychique:

Une femme, en soins palliatifs, a besoin de parler. Elle me raconte que sa fille est morte, voilà vingt ans. Un conducteur en état d’ébriété l’a fauchée. Jamais elle n’a réussi à digérer ce qui est arrivé. Elle dit qu’elle se sent comme possédée par ce traumatisme, qu’elle n’a jamais réussi à le lâcher. J’accompagne son flot de paroles avec la musique, accordée au timbre de sa voix et au rythme des mots. Petit à petit des silences apparaissent dans son discours et petit à petit les silences s’allongent.

A la fin de la séance, elle partage : « C’est incroyable, tout est parti comme ça (elle bouge ses mains au-dessus de ses jambes en direction de ses pieds). Il n’y a plus rien. Ça fait des années que je raconte cette histoire. Là, tout est parti, je n’ai plus rien à raconter. Je suis libérée, en paix… » C’était comme si les notes s’étaient faites « porte-paroles » …

Au niveau émotionnel:

Un matin j’entre dans une chambre à l’hôpital de jour. De l’autre côté de la fenêtre on voit l’étang transformé en diamant par le soleil d’hiver et des oiseaux qui font en criant leurs allers et venues à travers les reflets des facettes. Dans la chambre tout est calme. Un homme est assis dans un fauteuil et dit que la harpe le fera sans doute dormir. Je le rassure en disant qu’il n’y a pas de souci, que je le prendrai plutôt comme un compliment. Comme il n’y a pas de chaise, je me cale contre le mur, à deux pas du fauteuil. Je décide d’improviser quelque chose de lumineux, doux et berçant. Après quelques notes je vois que le menton de Mr commence à trembler.  Son nez se met à couler et très vite des larmes aussi coulent, beaucoup de larmes. Larmes silencieuses qui font trembler tout le haut de son corps. Un barrage semble se briser. Je continue à accompagner, accueillir les flots avec bienveillance et douceur.Après la séance, en séchant son visage il me dit : « Vous m’avez pris au dépourvu, c’était tout de suite. Je ne sais pas ce qui s’est passé. C’était tellement doux mais tellement puissant au même temps, si direct …. »

 Puis, après un moment de silence : « Je suis heureux ! Vous savez, je fais le gros dur depuis tellement longtemps déjà et encore plus depuis que je suis malade. Je ne savais pas qu’à l’intérieur il y avait encore autre chose. Vous avez créé une brèche, c’était dur ou peut-être même pas. J’avais une confiance totale, aucune gêne. Merci infiniment, je me retrouve, je suis là, je suis heureux ! »

 Dans le fauteuil, un autre homme me regarde. Visage lavé, allégé, libéré. Pétillant comme les reflets des rayons du soleil d’hiver sur l’étang.

Au niveau spirituel:

Souvent la harpe permet une connexion à quelque chose de plus grand que soi. Chacun l’exprime à sa manière:

“Je vole avec les anges”

“Ces dans des moments comme ça, moments sans paroles qu’on peut se laisser porte jusqu’au divin”

“Tout de suite on lâche prise. On voyage. On touche le mystère. On va loin”

“Qu’est-ce que c’est profond. Ça m’emmène loin de toute ces choses terre-à-terre qui n’ont plus aucune importance. Vous traduisez le subtil en musique”


Si le sujet vous intéresse, je vous conseille merisier j’étais, un livre cd, témoignage de dix ans d’accompagnement par la harpe.

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Je propose des séances individuelles ou avec accompagnants à domicile et dans les institutions hospitalières et en EHPAD